Teilhard de Chardin

Le phénomène humain, partie 1

Le plan du livre Le Phénomène humain nous indique la voie à suivre: « la Prévie, la Vie, la Pensée – ces trois éléments dessinant dans le Passé, et commandant pour l’avenir (la Survie!), une seule et même trajectoire : la courbe du Phénomène humain. » (Teilhard, précité p. 22)

Voici résumées ces quatre parties de l’essai :

La Prévie

1 – Le dehors des choses

Teilhard décrit l’étoffe de l’univers. Il rappelle les grandes lois de la physique et la façon dont la matière est constituée.

À la loi de Lavoisier (rien ne se perd rien ne se crée), à la première loi de l’énergétique (on ne peut créer de l’énergie nouvelle, on ne fait que transformer l’énergie) et à la deuxième loi de l’énergétique (l’entropie tend vers un maximum, c’est-à-dire que l’énergie physique s’épuise et que le désordre de la matière augmente) s’ajoute ce que Teilhard nomme la Loi de complexité – conscience. C’est-à-dire que plus il y a complexification (des neutrons, protons et électrons aux atomes, molécules, cellules et mammifères, à l’humain et aux phénomènes sociaux) plus se construit la conscience d’être. Cette conscience d’être qui, à la limite, nous fait réaliser que notre devenir est entre nos mains. L’homme est au centre de ce phénomène puisque l’homme sait qu’il sait. Il est le premier capable de décider de lui-même de participer à l’Évolution qui est une montée vers la Conscience. Voilà qui est particulièrement fascinant si on se place dans le contexte d’une recherche de concepts spirituels… Au départ, des particules élémentaires, somme toute simples, aujourd’hui, toute la nature dans sa diversité…

2 – Le dedans des choses

À propos du dedans des choses, Teilhard s’exprime comme suit :

« Le moment est venu de se rendre compte qu’une interprétation, même positiviste, de l’Univers doit, pour être satisfaisante, couvrir le dedans, aussi bien que le dehors des choses, – l’Esprit autant que la Matière. La vraie Physique est celle qui parviendra, quelque jour, à intégrer l’Homme total dans une représentation cohérente du monde. » (Teilhard, précité p. 23 et 24)

Il voit dans le dedans des choses la même granulation que dans la matière. Ce qui va devenir la conscience chez l’humain est déjà contenu au niveau particulaire des atomes, des molécules, des cellules, etc. Les faces interne et externe du Monde se répondent.

En remontant dans le temps, on trouve un état inférieur de conscience qui s’étale dans un spectre de nuances variables. En d’autres mots, la paléontologie, l’histoire ancienne et l’histoire récente nous indiquent que l’Évolution se fait. Ceci correspond au concept bien connu selon lequel le passé est garant de l’avenir.

De plus, Teilhard nous dit : « Constitution spirituelle et synthèse matérielle ne sont que les deux faces ou parties liées d’un même phénomène ». Ce qui signifie, à ses yeux que la spiritualité est inscrite dans la matière ou, en d’autres mots, que la matière porte en germe la spiritualité. Ainsi, à mesure que l’organisation de la matière monte en complexité, la conscience elle aussi peut grandir. D’où son énoncé de la Loi de complexité – conscience.

Après nous avoir présenté la composition de l’Étoffe de l’univers, autant le dedans que le dehors des choses, Teilhard poursuit sa thèse avec l’époque de la formation de la planète Terre, quelques 4 milliards d’années avant notre ère.

La vie

La vie commence avec les cellules à partir de méga molécules, il y a de ça quelque 3 milliards d’années. Avec ces cellules se construisent l’arborescence et l’expansion de la vie. Et dans cette arborescence, voici quelques 6 à 4,5  millions d’années, apparaît le phylum qui mène à l’humain.

La pensée

1 – La conscience monte à travers les vivants

À travers les millénaires, à mesure que le vivant s’organise, la conscience grandit :

« L’Homme non pas centre statique du monde,- comme il s’est cru longtemps; mais axe et flèche de l’Évolution,- ce qui est bien plus beau. » (Teilhard, précité p. 24)

« Du point de vue expérimental qui est le nôtre, la Réflexion, ainsi que le mot l’indique, est le pouvoir acquis par une conscience de se replier sur soi, et de prendre possession d’elle-même comme d’un objet doué de sa consistance et de sa valeur particulière : non plus seulement connaître, – mais se connaître; non plus seulement savoir, mais savoir que l’on sait. » (Teilhard, précité p. 161)

2 – Arrive la personne

Nous sommes tous des individus qui prenons conscience d’être dans notre rapport avec les autres.

3 – Le déploiement de la noosphère

Teilhard imagine que se développe à la surface de la Terre une nappe pensante : la noosphère. Nous sommes, chacun d’entre nous, des cellules de cette nappe pensante. Dans cette noosphère, l’Amour énergie s’accumule : « L’Amour, aussi bien que la pensée, est toujours en pleine croissance dans la Noosphère. » (Teilhard, précité, p. 41). Depuis l’apparition d’’homo sapiens il y a 200 000 ans, suivie du début de la socialisation, il y a environ 10 000 ans, puis du siècle des Lumières, l’homme voit l’Évolution s’accélérer. Teilhard voit le phénomène social comme la suite logique du phénomène biologique: « Le phénomène social : culmination, et non atténuation, du Phénomène Biologique.» (Teilhard, précité, p. 223)

La survie

L’humanité en devenir dans la noosphère est capable de réaliser ce à quoi avaient échoué tous les autres vivants avant elle.

L’Évolution engendre plus de complexité et cette complexité permet plus de conscience. (Ce qu’on veut dire ici par plus de complexité c’est, on l’a vu, le passage de la matière inerte à la matière vivante de plus en plus organisée, jusqu’à l’homme et jusqu’à l’apparition des phénomènes sociaux.) Ici Teilhard résume sa pensée sous forme d’équation :

Évolution = Montée de conscience = Effet d’union

Il est important de mentionner ici que malgré la grande influence du communisme et du socialisme à son époque, Teilhard n’avait aucune affinité avec ces mouvements politiques; il voyait autrement la prise de conscience du collectif. Il qualifiait cette prise de conscience d’hyper personnel.

Teilhard croit que la science jouera un rôle clé dans l’accélération de l’Évolution de l’humanité : « L’esprit de recherche et de conquête est l’âme permanente de l’Évolution. » (Teilhard, précité p. 224)

Sa vision est source d’inspiration et propose de maximiser notre participation à l’Évolution :

« Pour s’ajuster à des lignes et des horizons démesurément grandis, notre esprit doit renoncer au confort des étroitesses familières. Il doit recréer un équilibre pour tout ce qu’il avait sagement ordonné au fond de son petit dedans. Éblouissement au sortir d’un confinement obscur. Émoi en émergeant brusquement au sommet d’une tour.» (Teilhard, précité p. 227)

Loin en avant se profile la convergence des consciences, ce qu’il appelle le point Oméga.

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