Spiritualité

Du fond des âges, les humains ont manifesté leur besoin de divinité. Ce besoin étant motivé principalement par sa quête du sens et la peur de la mort. Le polythéisme apparu il a quelque 5000 ans (Harari, Sapiens, 2012, p. 496) a lentement migré en monothéisme en occident avec le christianisme et l’islam. En Europe, principalement à cause de la révolution scientifique ce monothéisme a vu son influence diminuée lentement mais surement sans toutefois éliminer ce besoin de se rattacher à une quelconque divinité. De nos jours, malgré la montée en force de l’athéisme, plusieurs grands philosophes et physiciens contemporains restent préoccupés par ce qui nous dépasse. Du côté de l’infiniment grand, il est bien établi que l’univers a connu un début. Ceci laisse présager que quelqu’un a donné le coup d’envoi? Du côté de l’infiniment petit, les progrès de la physique quantique nourrissent l’espoir que l’intrication de particules élémentaires et l’antimatière seraient des indications de l’existence d’autres mondes. Ces découvertes scientifiques laisseraient donc présager l’existence d’un Dieu et la possibilité d’une vie après la vie? Tout ce questionnement nous amène vers ce paradigme que je qualifierais de « spiritualité laïque ». C’est de cette spiritualité laïque qu’il est question ici sur ce site.

Définition

La spiritualité possède plusieurs visages, principalement en fonction de ses origines culturelles. De tradition bouddhiste, musulmane, indienne, chrétienne ou autre… ou simple besoin biologique, elle est immense parce qu’elle répond aux besoins les plus fondamentaux de l’humain. Longtemps monopole des religions, c’est maintenant l’affaire de tous, quelles que soient nos croyances et nos allégeances. J’aime bien la définition que nous propose André Comte-Sponville, un athée avoué, mais conscient de ce besoin de spiritualité : « Qu’est-ce que la spiritualité? C’est notre rapport fini à l’infini ou à l’immensité, notre expérience temporelle de l’éternité, notre accès relatif à l’absolu. » (Comte-Sponville, L’esprit de l’athéisme, 2006, p. 216) Et j’ajouterais notre rapport avec l’inconnu, avec le mystère.

Spiritualité, foi, morale et religion

Avant d’entrer plus à fond dans le sujet de la spiritualité, il m’apparaît approprié de nous fixer les idées sur la distinction à faire entre spiritualité, foi, religion et morale. En effet, nombreux sont ceux qui confondent spiritualité et foi, alors qu’il y a une distinction fondamentale entre les deux. La spiritualité comme nous l’avons définie, au paragraphe précédent, est un concept beaucoup plus large. Elle laisse place à l’espoir, sans savoir avec certitude, s’il y a un ailleurs et, il me semble, nous garde l’esprit ouvert. Le croyant élimine plutôt le doute et prend position en faveur de l’existence de Dieu et son royaume. L’état d’esprit dans lequel se place le croyant est donc un cas particulier de vie spirituelle par rapport à celle proposée par Comte-Sponville. Nombreux aussi sont ceux qui confondent foi et religion. La foi est une conviction profonde en une idéologie, un principe, un dieu, qui engage tout notre être. La religion est une pratique collective dont on choisit de faire partie. Souvent, les religions, comme c’est le cas par exemple pour la religion catholique, proposent une croyance et un ordre à suivre. Pour plusieurs, cela est une source de confusion. On peut croire en une quelconque divinité sans adhérer à une religion et à sa loi. Finalement, beaucoup confondent religion et morale. Être non-pratiquant d’une religion ne signifie pas que tout est permis nous dit André Comte-Sponville : « Il n’est pas vrai que tout est permis, ou plutôt il dépend de chacun de nous que cela ne soit pas. Fidélité à l’humanité, et au devoir d’humanité! C’est ce que j’appelle l’humanisme pratique, qui n’est pas une religion, mais une morale. » (Comte-Sponville, précité, p. 61). Nous devons tous avoir un code d’éthique dont le but est de ne pas faire de tort à personne quelles que soient nos allégeances.

L’éclairage de la science

Pourquoi l’éclairage de la science? Parce que l’être humain, avec sa capacité imaginative extrêmement fertile et son besoin instinctif de sécurité physique et émotive, peut sombrer dans la fabulation. L’aventure spirituelle n’a de sens que si elle se vit à la frontière entre le connu scientifique et le mystère. D’ailleurs, nous savons que les religions ne sont pas nécessairement les meilleurs guides à ce sujet. Nous avons tous en mémoire ce cas célèbre, celui des démêlés de Galilée avec l’Église de Rome. Et, plus près de nous l’histoire de Pierre Teilhard de Chardin que je vous présente plus en détail ci-après. Dans ces deux cas, la position officielle des princes de l’Église n’était pas la bonne, puisqu’elle ne prenait pas en compte les faits scientifiques établis à ces époques.

L’éclairage scientifique le plus pertinent dans l’optique poursuivie ici, soit l’élaboration d’une philosophie pouvant aider notre quête de sens, nous vient, me semble-t-il, de l’astrophysique, de la paléontologie, de l’anthropologie, de la sociologie de la psychologie et des théories de l’Évolution. Ces disciplines sont celles qui nous guident le mieux sur nos origines et sont les plus susceptibles de nous indiquer la voie à suivre. Quelques bonnes notions de chimie, de physique et des sciences de la vie sont aussi nécessaires.

Qui de mieux que le grand Pierre Teilhard de Chardin pour nous sensibiliser à l’importance de l’éclairage de la science dans le domaine de la spiritualité? Nous commencerons donc par examiner son œuvre et ensuite celles d’autres éminents penseurs qui viennent étayer, du moins partiellement, sa pensée.

(Page revue le 9 mai, 2022)

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