Action individuelle
Philosophie de l’action individuelle. Première partie
La réflexion à caractère spirituel présentée dans les pages précédents nous a permis d’établir les bases sur lesquelles nous pouvons nous appuyer dans l’élaboration d’une philosophie. Voyons la suite.
Dans un premier temps, notre réflexion se porte sur l’action individuelle et, dans un deuxième temps, sur l’action collective.
Pourquoi la philosophie? Parce que « consciemment ou inconsciemment la philosophie est présente dans notre vie à tous » nous fait remarquer Jean d’Ormesson. Il ajoute qu’on ne peut y échapper : « On peut choisir d’ignorer la philosophie, mais on choisit alors d’ignorer le monde. » (d’Ormesson, Odeur du temps, 2007, pages 74 et 75) Il faut passer par la philosophie pour comprendre quoi que ce soit à tout ce qui nous entoure. Et, comme le suggère André Comte-Sponville, la philosophie est un moyen de mieux vivre. Il nous fait cette suggestion en adaptant à notre siècle la définition épicurienne : « la philosophie est une pratique discursive (elle procède par des discours et des raisonnements), qui a la vie pour objet, la raison pour moyen et le bonheur pour but. Il s’agit de penser mieux pour vivre mieux » (Comte-Sponville, Le bonheur, désespérément, 2000, pages 12 et 13).
Du fond de l’Antiquité jusqu’à nos jours, la philosophie a connu ses hauts et ses bas comme outil du «mieux vivre». Mais la pensée humaine est puissante, ce qui fait que de temps à autre des philosophes apportent un peu plus de lumière à leurs contemporains. Cette lumière, la philosophie, nous aide à tisser des liens, par la logique, entre les valeurs fondamentales et ce qui nous guide dans notre existence de tous les jours.
Jean d’Ormesson rappelle aussi que « Bergson soutenait que toute œuvre peut se ramasser en une intuition fondamentale, en un point central » (d’Ormesson précité page 177). Dans un ouvrage plus récent (De L’amour), Luc Ferry formule très bien cette idée centrale de son œuvre en adaptant la maxime de Kant : « Agis de sorte que la maxime de ta volonté puisse aussi servir en tout temps de principe pour une législation universelle. » qui devient « Agis de telle sorte que tu puisses souhaiter voir les décisions que tu prends s’appliquer aussi aux êtres que tu aimes le plus ». La première appartient au premier humanisme, la seconde, au deuxième humanisme selon la définition de Luc Ferry. (Voir la sous-section «Luc Ferry» de la section «Complément à Teilhard» sous l’onglet «Philosophie») Il s’agit là, à mon avis, d’un outil puissant dont disposent les gens d’action. Nous y reviendrons lorsque nous traiterons des points de repère pouvant guider nos actions.
Me voici parvenu à l’élément central de ma réflexion. Récapitulons, en juxtaposant cette fois les idées accumulées dans cette section avec celles en provenance des sections précédentes :
a) Teilhard fait un lien entre amour et énergie : « L’Amour est la plus universelle, la plus formidable, et la plus mystérieuse des énergies cosmiques. » ainsi qu’entre l’amour humain et l’Amour comme valeur transcendantale qui nous vient d’ailleurs.
b) C’est dans le jardin de l’amour humain que se cultive l’amour divin selon Rusbehan, philosophe de culture arabe.
c) Einstein fait un rapprochement entre le mystérieux et la créativité.
d) Bergson fait un rapprochement entre créativité et amour : « L’énergie créatrice doit se définir comme amour. »
e) Albert Jacquard adhère au projet de société proposé il y a deux mille ans par un homme nommé Jésus.
f) Comme nous le rapporte Frédéric Lenoir dans son livre Le Christ philosophe, la philosophie du Christ a survécu à l’épreuve du temps. Ce phénomène unique dans l’histoire de l’Occident a été possible par la laïcisation de cette philosophie dont l’élément clé est de placer l’amour au-dessus de toutes les lois.
g) Le bouddhisme propose une alliance entre le spirituel et le temporel, et un continuum de la conscience entre les êtres.
h) Luc Ferry propose la transcendance dans l’immanence de l’amour soit une forme laïque de spiritualité.
Ces idées indiquent une convergence. Une convergence universelle qui sera notre guide pour la suite de notre réflexion. L’amour est la réalité la plus humaine qui soit. Albert Camus, pourtant l’homme de « la pensée révoltée» appuie aussi cette convergence lorsqu’il écrit : « Je ne connais qu’un seul devoir et c’est celui d’aimer. » (Philosophie magazine, hors-série, Albert Camus, la pensée révoltée) Comment se fait cette convergence? Par l’appréciation des liens proposés par ces grands penseurs entre amour humain, Amour divin, amour-énergie, énergie créatrice, créativité et mystère. Nous ne pouvons qu’être émerveillés par cette convergence d’idées mise en avant autant par des athées que des agnostiques et des croyants.
Dans La guérison du monde, Frédéric Lenoir arrive à la même conclusion. Pour lui, trois valeurs sont plus universelles et fondamentales que toute autre : la justice, la liberté et l’amour. Et il place l’amour au sommet de cette triade.
En s’inspirant de tous ces hommes de réflexion, il est maintenant facile de placer l’Amour au sommet des valeurs. Voyons maintenant «comment aimer comme il faut».
(Page modifiée le 13 décembre 2019)