Harari

Sapiens – Une brève histoire de l’humanité

Teilhard de Chardin n’a pas élaboré beaucoup sur la période -70000 à -500 ans ni plus sur la naissance conjuguée de la science et de l’économie moderne. Teilhard, surtout préoccupé par l’Évolution, a bien vu que celle-ci s’accélère depuis la fin du moyen âge sans faire un travail d’historien ce qui de toute évidence n’était pas son but. L’ouvrage de Harari, Sapiens Une brève histoire de l’humanité, est un travail d’historien qui nous apporte nombres de précisions sur cette période. Selon Harari, trois révolutions infléchissent le cours de l’histoire : la révolution cognitive, la révolution agricole et la révolution scientifique. Cet auteur nous montre aussi comment s’est amorcé et développé l’unification de l’humanité encore en voie de réalisation de nos jours. Cette unification du point de vue de l’historien est tout à fait conforme avec la notion de noosphère proposée par Teilhard. L’Évolution selon Teilhard permet le développement d’une nappe pensante sur la terre, la noosphère dont nous sommes tous des cellules. Pour Teilhard le phénomène social est une extrapolation du phénomène biologique. La complémentarité avec Le Phénomène humain, l’œuvre maîtresse de Teilhard est donc intéressante, voire même surprenante, à certains égards.

La révolution cognitive

Cette période s’étend de -70 0000 à -12 000 ans avant notre ère. Elle se caractérise par l’invention du langage et de notre capacité d’abstraction. Cette capacité d’abstraction est aussi à l’origine des religions puisque nous sommes devenus capables d’imaginer les dieux.

« Légendes, mythes dieux et religions – tous sont apparus avec la Révolution cognitive. » (Yuval Noah Harari, 2012, page 35)

La révolution agricole

Après 2.5 millions d’années de relative stabilité entre Sapiens et la nature, arrive la révolution agricole il y a environ 12 000 ans. C’est la plus grande escroquerie de l’histoire de l’humanité selon l’auteur. La révolution agricole aurait été un piège et le début de l’accélération de la croissance démographique. Parce que l’agriculture et la sédentarité ont permis de nourrir plus d’individus. L’agriculture a aussi permis le développement de bourgades, de villages et de villes où s’entassent les individus. Ce sont là aussi l’origine des développements sociaux. L’observation de ces développements montre aussi que l’égalité est un mythe. L’évolution s’est faite différemment par des groupes différents.
La biologie et l’évolution physiologique ne sont pas suffisantes pour comprendre le cheminement de l’humanité. C’est une bonne raison d’étudier l’histoire :

« La plupart des hiérarchies sociopolitiques manquent d’une base logique ou biologique : elles ne font que perpétuer des hasards entretenus par des mythes. C’est une bonne raison d’étudier l’histoire. Si la division en Noirs et Blancs, ou Brahmines et Sûdras, s’enracinait dans des réalités biologiques – si les Brahmines avaient vraiment de meilleurs cerveaux que les Sûdras –, la biologie suffirait pour comprendre la société humaine. Comme les distinctions biologiques entre les différents groupes d’Homo sapiens sont en fait négligeables, la biologie ne saurait expliquer ni les complications de la société indienne ni la dynamique raciale de l’Amérique. Nous ne saurions comprendre ces phénomènes qu’en étudiant les évènements, les circonstances et les rapports de force qui transformèrent les caprices de l’imagination en structures sociales cruelles – et bien réelles. » (Harari, 2012, précité page 175)

L’unification de l’humanité

La tendance lourde, vue par Teilhard sur le très long terme se mesurant en millions d’années et plus près de nous en dizaines de milliers d’années, est aussi observée par Harari d’abord sur une échelle en millier d’années et plus près de nous sur une échelle en centaines d’années. Quelle que soit l’échelle de nos observations, nous progressons inlassablement vers l’unité.
L’amorce de cette unification étant le développement de pratiques commerciales. Quelque 5000 ans avant notre ère apparurent les premiers signes de l’utilisation par la monnaie.
Entre 3500 et 3000 ans avant notre ère l’écriture est inventée permettant le stockage de plus d’informations que ce que peut faire le cerveau humain. Cette capacité de stoker des informations, mais surtout des nombres, est à la base du développement de la bureaucratie.
Harari nous raconte l’influence unificatrice des grands empires et des religions. Et, d’une certaine manière comme Prigogine (Prigogine et Stengers, 1979) Harari voit l’importance du décloisonnement entre sciences naturelles et sciences humaines. Il est cependant plus restrictif considérant, d’une part la biologie et d’autre part le droit et les sciences politiques, mais force nous est de constater que l’argument est le même chez ces deux savants.
Des considérations historiques, autres que scientifiques et spirituelles vues par Teilhard, ont donc aussi joué un rôle important dans le rapprochement des hommes et des cultures.

La révolution scientifique

La reconnaissance de notre ignorance est déterminante dans le jeu de l’évolution :

« La science moderne est une tradition de connaissance unique, dans la mesure où elle reconnaît franchement l’ignorance collective concernant les questions les plus importantes. Darwin n’a jamais prétendu être « le Sceau des Biologistes » ni avoir élucidé une fois pour toutes l’énigme de la vie. Après des siècles de recherches scientifiques soutenus, les biologistes admettent n’avoir toujours pas de bonnes explications de la manière dont le cerveau produit la conscience. Les physiciens admettent ne pas savoir la cause du Big Bang, ni comment concilier la mécanique quantique et la théorie de la relativité générale. » (Harari, 2012, précité, page 298)

Harari montre comment d’un point de vue pratique se sont développées l’économie, la croissance économique et la science à compter du 15e siècle.
La synergie entre le capitalisme et la science s’est produite en Occident à cause des valeurs, des mythes et structures sociopolitiques en place très différents de celles des Chinois et des Perses.
Le développement de l’industrie fut aussi un rouage important dans la continuation de la croissance économique. Un élément du développement industriel fut la découverte des moyens de transformation de l’énergie. C’est le cas de la machine à vapeur, du moteur à combustion interne des centrales nucléaires, de l’hydro-électricité, etc.
Qui plus est, au cours des deux derniers siècles, le changement s’est accéléré et de nos jours devient incessant. Et ce qui est déterminant pour la suite du monde c’est le développement des sciences particulièrement en biologie et cybernétique. Nous dirigeons-nous vers la fin de l’Homo sapiens, par la mise en application du génie biologique, par la multiplication des cyborgs ou par la vie inorganique avec son intelligence artificielle?
L’État et le marché affaiblissent les communautés et les familles. Et par voie de conséquence le bonheur des individus. Assistons-nous à la perte de la pertinence de ce qui aujourd’hui donne sens à la vie : moi, vous, homme, femme, amour et haine? Où allons-nous? Vers le ciel ou vers l’enfer sur terre? Avant de statuer, à ce sujet voyons ce que M. Harari nous dit lui-même dans son deuxième ouvrage.