Spiritualité et inspiration

Depuis le lancement de ce site web, il y a plus de 5 ans, j’ai apporté sous l’onglet « Réflexions » des précisions et compléments à l’essai principal que vous pouvez trouver sous l’onglet « Philosophie ». Je souhaite à présent approfondir la question du rapprochement entre spiritualité et inspiration. Nous verrons que ce rapprochement est favorisé par la préparation de son propre état d’âme, et du lieu physique où se vit cette expérience spirituelle.

L’origine de ma réflexion est l’ouvrage L’esprit de l’athéisme par André Comte-Sponville.

Dans cet essai, ce philosophe contemporain démontre que la spiritualité n’est pas l’apanage des croyants et pratiquants de différentes religions ; elle est également accessible aux athées et j’ajouterais aux agnostiques.

Le premier chapitre de ce livre répond à la question : « Peut-on se passer de religion? ». Comte-Sponville propose une définition de la religion comme : « … tout ensemble organisé de croyances et de rites portant sur des choses sacrées, surnaturelles ou transcendantes (c’est le sens large du mot), et spécialement sur un ou plusieurs dieux (c’est le sens restreint), croyances et rites qui unissent en une même communauté morale ou spirituelle ceux qui s’y reconnaissent ou les pratiquent. » Il affirme dès le début qu’il peut aisément se passer de religion, mais pas de communion ni de fidélité, ni d’amour. Par « communion », il entend un partage d’esprit sans division, car seul l’esprit permet un tel partage.

Le deuxième chapitre aborde la question cruciale : « Dieu existe-t-il? ». Comte-Sponville définit Dieu comme un « être éternel, spirituel et transcendant (à la fois extérieur et supérieur à la nature), qui aurait consciemment et volontairement créé l’univers. Il est supposé parfait et bienheureux, omniscient et omnipotent. C’est l’être suprême, créateur et incréé (il est cause de soi), infiniment bon et juste, dont tout dépend et qui ne dépend de rien. C’est l’absolu en acte et en personne. ». Il conclut qu’il ne croit pas en un tel Dieu et se dit donc athée. Quant à moi ma réflexion sur la question de l’existence de Dieu, influencé par cet ouvrage, se trouve également sous l’onglet « Réflexions » à la Section « Dieu ? ». En tant qu’agnostique, ma conclusion diffère de celle de Comte-Sponville, mais elle laisse tout autant la porte ouverte à la spiritualité. C’est là toute la richesse du troisième chapitre de L’esprit de l’athéisme.

C’est dans ce troisième chapitre que se trouve le vif du sujet. Ici l’auteur nous propose de répondre à la question suivante : « Quelle spiritualité pour les athées? », comme ce fut le cas pour les deux chapitres précédents, l’auteur propose une définition : « Qu’est-ce que la spiritualité? C’est notre rapport fini à l’infini ou à l’immensité, notre expérience temporelle de l’éternité, notre accès relatif à l’absolu. » Et j’ajouterais notre rapport avec l’inconnu, avec le mystère. Si vous avez lu l’essai proposé sous l’onglet « Philosophie », vous aurez remarqué que dans la première partie, consacrée justement à la spiritualité, je souscris entièrement à cette définition.

Nous sommes donc des êtres finis ouverts sur l’infini; des êtres temporels qui expérimentent l’éternité; des êtres dans un état relatif par rapport à l’absolu; des êtres capables d’expériences spirituelles (comme nous le verrons) lesquelles, lorsque parmi les plus profondes et intenses, nous mènent à la mystique, la limite extrême de telles expériences.

Un passage particulièrement fort de cet ouvrage est la description que l’auteur nous fait d’une expérience spirituelle extrême, donc mystique. Il a vécu ce moment d’allégresse en forêt le soir en présence d’amis, mais en silence. Il écrit avoir vécu : comme un bonheur de faire partie du Tout; comme une expérience du silence; une harmonie; avoir ressenti comme une vibration interne (donc une énergie); un bien-être étonnant hors du temps. Il s’agit, à mon avis d’une expérience, très crédible, puisque vécue par un athée.

Étant établie la possibilité que la spiritualité soit aussi au service des non-croyants donc à la portée de tous les humains, je peux maintenant aborder le cœur de ma réflexion : existe-t-il un rapport entre spiritualité et inspiration? La réponse est oui. Voici quelques exemples en commençant par André Comte-Sponville lui-même. En effet, il est capable d’expériences spirituelles et avant tout il est un grand philosophe, écrivain et communicateur hors pair. Et, il y en a d’autres.

Simplement en faisant le tour de ma bibliothèque j’ai pu identifier quelques autres exemples. En plus d’être en mesure de vivre des expériences spirituelles, ils sont tous des créateurs hors du commun.

D’une part, Luc Ferry admet l’existence du phénomène de la spiritualité laïque lorsqu’il situe l’amour humain entre la transcendance et l’immanence et lorsqu’il affirme qu’il peut y avoir de l’au-delà de la rationalité en philosophie. D’autre part il est l’auteur d’une œuvre volumineuse, riche et en bonne partie originale. Il se qualifie donc comme un auteur ayant profité de l’interaction entre la spiritualité laïque et l’inspiration.

Dans La nuit de feu Eric-Emmanuel Schmitt fait la description d’une expérience spirituelle intense au point de transformer sa vie d’homme et d’écrivain. Bien que cette description soit présentée dans un roman, il avouera en entrevue qu’il s’est agi d’une expérience bien réelle. Cette expérience chez un auteur aussi prolifique fait de lui un autre candidat ayant profité de l’apport de la spiritualité dans son œuvre.

 

Matthieu Ricard est à la fois un homme de science (biologie moléculaire), un moine bouddhiste et plus récemment dans sa vie active un écrivain prolifique. Il est un des plus grands artisans du rapprochement entre la science occidentale et la spiritualité orientale, essentiellement celle du bouddhisme.  Comme moine bouddhiste, sa vie est remplie d’expériences spirituelles et comme scientifique et écrivain il a produit de nombreux livres et publications. En particulier, dans son livre L’art de la méditation il nous initie à cette pratique laquelle comme nous le verrons est un outil précieux dans nos recherches. Matthieu Ricard est un autre bel exemple de l’effet combiné de la spiritualité et de l’inspiration.

François Cheng, (Cinq méditations sur la beauté) est un homme de lettres amoureux de la beauté. Il a produit une œuvre qui est un bel exemple de concomitance entre l’inspiration et la spiritualité. Son hymne à la beauté est d’inspiration spirituelle. La beauté, dit-il, est un advenir et la dimension de l’esprit ou de l’âme lui est vitale. Il poursuit que l’être humain comporte au moins deux dimensions : le physique et le mental. Le second, régi par l’esprit, comporte sa part de psychique et de ce qu’on qualifiera de spirituel. Finalement il suggère de creuser en nous la capacité à la réceptivité.

La pensée de François Cheng m’inspire et me fait dire que la beauté, est une fenêtre qui s’ouvre sur le monde immatériel qu’est la spiritualité.

Frédéric Lenoir (Jung Un voyage vers soi) nous fait redécouvrir Carl Gustave Jung, un penseur parmi les plus prolifiques du XXe siècle. Jung s’est intéressé à la nature profonde de l’humain. Il prend conscience des limites de la raison face à la complexité du réel. Tout comme Henri Bergson, il élargit la notion freudienne de libido en un élan vital. Il découvre la richesse et les propriétés créatrices de l’inconscience. Il voit un lien entre la nature et l’esprit humain. Pour lui, les phénomènes paranormaux sont des manifestations particulières de la spiritualité. Jung prétend avoir vécu une expérience de mort imminente, une expérience spirituelle par excellence. Bien avant Matthieu Ricard, Jung fut un précurseur du rapprochement entre la pensée occidentale et la spiritualité orientale. Il est intéressant de rappeler que Jung a lu avec grand intérêt les œuvres de Teilhard de Chardin. Mentionnons finalement que Jung s’est aventuré en sciences physiques aidées par son ami Wolfgang Pauli. « Jung et Pauli ont formulé l’hypothèse selon laquelle le psychisme et la matière, l’interne et l’externe, l’homme et la nature seraient reliés au sein d’une unité indifférenciée, dans un perpétuel mouvement de coopération. » La vie et l’œuvre de Jung sont donc un exemple exceptionnel de l’influence de la spiritualité sur l’inspiration.

Albert Einstein se définissait comme disciple de Spinoza. Il avait un grand besoin de solitude et éprouvait de fortes émotions devant le mystère de la vie. Il s’agit là, à mon avis, d’expériences spirituelles qui stimule l’inspiration. Et nous savons à quel point Einstein a été innovateur. Sa spiritualité a nourri son intuition laquelle s’est avéré juste.

Henri Bergson, qui nous a laissé une œuvre philosophique d’envergure, nous propose que l’Être libre possède une capacité de création infinie, qu’il qualifie « d’élan vital ». Son intuition le conduit donc directement dans l’univers de la spiritualité. Nous observons donc chez Bergson un va-et-vient, une influence réciproque, entre l’intuition et la spiritualité.

L’œuvre de Pierre Teilhard de Chardin est le point d’orgue de l’essai principal sous l’onglet « Philosophie ». Sa spiritualité est omniprésente dans toutes les parties de son œuvre. Le cas particulier de la Messe sur le Monde élève sa spiritualité au rang de mystique.

Dans son livre, La chorégraphie divine, Jean Proulx emprunte à Teilhard de Chardin la notion que l’être humain se trouve au centre de trois infinis : l’infiniment petit, l’infiniment grand et l’infiniment complexe. Il cherche aussi comme un dialogue, entre les approches scientifiques, philosophiques et spirituelles de la réalité. Tout comme Teilhard, sa spiritualité, du moins dans ce livre, est une source d’inspiration. Voilà donc un autre exemple de l’influence de la spiritualité sur l’inspiration.

Cet échantillon de grands penseurs nous indique bien l’effet multiplicateur que peut avoir la spiritualité sur l’inspiration.

Dans un but particulier, celui d’atteindre la joie parfaite, Frédéric Lenoir, dans son livre La Puissance de la joie, nous propose un effort d’introspection permettant la prise de contrôle de « l’égo » et du « mental » pour laisser libre cours à la raison et à l’intuition. Pour cet auteur, l’égo, « c’est [ … ] le logiciel de notre perception de l’agréable et du désagréable que l’éducation va nous apprendre à maitriser. Parallèlement, l’égo est le support de nos émotions : peur, colère, tristesse, joie … qui contribuent de manière déterminante à la construction de notre personnalité, en modifiant nos comportements, nos pensées, nos croyances, nos appétences, nos répulsions. Notre fonctionnement émotionnel accompagne le développement de notre égo. » C’est le « Moi » dans la psychologie de Freud. « La mission du mental est de nous faire accepter le réel, même lorsqu’il n’est pas acceptable. À justifier l’absurde, le dramatique, à lui trouver des raisons, des causes, pour nous permettre de survivre donc aussi de grandir. »

L’introspection est donc un moyen de favoriser l’intuition. L’intuition joue donc un rôle important dans les processus créatifs et innovants, permettant aux individus de faire des connexions nouvelles et originales entre des idées ou des concepts.

Reste un dernier élément à prendre en compte pour favoriser des expériences spirituelles : le lieu. Par exemple, nous connaissons tous l’effet bénéfique que procure l’immersion en pleine nature. Aidé par l’œuvre du philosophe Friedrich Schelling, François Cheng situe l’homme par rapport à la Nature. Selon lui, « La Nature, en sa profondeur potentielle et irrévélée, n’est pas seulement une entité passive et stérile, une simple source de matières premières ou, pire, un cadre décoratif pour l’homme. Elle est la force cosmique primitive, relevant d’un principe sacré et éternellement créateur.

Relativement au même sujet, je tire cette citation longue, mais combien pertinente d’un ouvrage ayant exercé une influence déterminante dans mon cheminement de carrière. Joseph Basile dans son livre Formation culturelle des cadres et dirigeants d’entreprises fait à sa manière un éloge des bienfaits de la nature : « Parmi les voies favorables à la culture de l’esprit et du cœur, les spectacles de la nature ont une vertu assez particulière … Il s’ensuit que le dirigeant dont l’action dépend presque exclusivement d’initiatives, d’inspirations et de jugements intuitifs ne peut négliger l’extraordinaire conditionnement spirituel que créent la vue et l’entourage des éléments naturels.

Sans effort, uniquement par cet effet d’ambiance, l’esprit se dispose à une conception plus harmonieuse et plus ordonnée des choses, ainsi qu’à des perceptions plus fines et à des jugements plus nuancés.

Arpenter le bord de mer, sur une plage ensoleillée et déserte, fait ressentir à soi-même une conscience plus pure et un cœur plus indulgent.

Le silence d’un chemin de forêt semble nous revêtir d’une nouvelle dignité, en accord avec celle des arbres.

Contempler du haut d’une cime l’ordonnancement des plans qui descendent dans la vallée remet en harmonie ses propres états d’âme. Même pour le citadin de tous les jours, la promenade du soir dans quelques avenues bordée d’arbres, et de préférence déserte, dispose mieux à une vue vraiment élevée de ses problèmes que les longues veillées au bureau.

Il est des paysages qui imprègnent comme des symphonies. Ils créent en nous ces étonnantes harmonies qui viennent exalter nos moyens habituels. La marche dans la campagne nous met en résonnance avec les lents battements de la nature et nous fait assimiler son ordre et sa paix. L’homme est cosmique … ».

Nous avons maintenant en main tous les éléments pour proposer une méthode favorable à l’inspiration : se rendre dans un lieu calme et inspirant pour vous (parc, forêt, bord de mer, bibliothèque, etc.) et où il est possible d’adopter une posture physique confortable; s’adonner à un exercice de méditation élémentaire (comme démontré par Matthieu Ricard) par exemple, se concentrer sur sa respiration quelques minutes afin de faire le vide dans son esprit; effectuer un travail d’introspection afin de libérer l’intuition et la raison de l’égo et du mental (comme proposé par Bergson et Lenoir). Rester attentif à cet état de bien-être et à ce qui peut germer dans votre esprit ainsi libéré. Le tout pour laisser s’épanouir une expérience spirituelle comme celle vécue par André Comte-Sponville. Cette expérience peut alors être porteuse d’inspirations, d’idées nouvelles, de solutions, etc. Évidemment, rien n’est garanti et il faut s’attendre à la nécessité de devoir répéter l’expérience des dizaines de fois pour obtenir des résultats.

À noter que nous pouvons admettre facilement que les croyants à une quelconque divinité, ont une longueur d’avance pour réussir ce genre d’exercice. Mais comme démontré précédemment, cette méthode est à la disposition de tous : croyants bien sûr, mais aussi, agnostiques et athées.

À ceux qui auront la curiosité (et il faut bien le dire aussi le courage et la patience) d’essayer cette méthode, je vous invite à me faire part de vos commentaires et de vos résultats, à la section « Contact » sous l’onglet À PROPOS de ce site web. Évidemment, pour que cette méthode réussisse le test de la science il nous faudrait recevoir je dirais environ un millier de témoins qui corroborent la méthode. C’est là notre souhait le plus chaleureux.